« Rien ne sert de souffrir... il faut se soigner à point, encore faut-il être informé que ce dont on souffre est justifiable de la médecine : aussi n’est-il pas inutile d’informer, encore et toujours ».(France-Dépression Actualités, n°4, 1994)
"L’image du malade et de ceux qui le soignent reste déplorable" selon le rapport JOLY de juillet 1997. Les patients sont les premières victimes de l’image de la dépression dans le grand public. Ils ont hélas encore à souffrir de silences, de préjugés profondément enracinés dans l’imaginaire collectif.
Il nous faut donc diffuser une information sur la réalité de la souffrance lors des épisodes et sur les connaissances épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques, afin de vaincre les tabous. La désinformation est un défi à l’égard duquel il faut être vigilant, afin d’éviter de confondre dépression maladie et "bleus de l’âme"
La communauté internationale des psychiatres est de plus en plus sensibilisée à la nécessité de l’information des patients. Les congrès internationaux consacrent, depuis quelques années, des sessions sur l’information du patient déprimé avec des programmes de soins dits économiques basés sur l’éducation du patient sur la dépression et son traitement, à l’aide de brochures ou de video-cassettes. La baisse du coût des soins, repose, en effet, sur le diagnostic précoce des troubles, sur le suivi et l’observance du traitement, afin d’éviter les rechutes et sur la nécessité d’un travail d’information soutenu auprès des patients ou du grand public.
Les justifications d’une "éducation du patient déprimé et maniaco-dépressif" reposent, entre autres, sur les problèmes de santé publique posés par les troubles de l’humeur dont la prévalence ne cesse de s’accroître. L’impact socio-économique des maladies dépressives est, de plus en plus régulièrement pris en compte dans les stratégies de santé mentale.
Ainsi, une des stratégies de réduction des dépenses de santé porte sur le développement des soins de prévention primaire et secondaire, afin que le niveau d’éducation sanitaire de la population permette, notamment, que davantage de patients sollicitent des soins et soient diagnostiqués, ce qui, en retour, limiterait le coût indirect de la maladie lié aux indemnités journalières et à la perte de productivité professionnelle (absentéisme, suicide). Ainsi, des études économiques récentes (Judd et al. 1995) ont rapporté qu’environ un tiers seulement des coûts générés par la pathologie dépressive sont liés aux soins cliniques directs (frais médicaux de toutes natures), alors que les deux tiers restant sont dus aux coûts indirects.
Cette information constitue donc aujourd’hui, une nouvelle exigence, une étape nécessaire dans la prise en charge du patient. Elle doit être personnalisée et adaptée au patient. Elle s’avère indispensable à la relation thérapeutique et à la bonne observance, puisque chez les patients déprimés, en ambulatoire : entre les arrêts, les oublis ou les modifications de doses, il y a 20 à 23% de cas de mauvaise observance (Myers & Branthwaite 1992).
Par ailleurs, l’information participe à l’amélioration de la qualité de vie : la compréhension des troubles permet en partie de mieux les vivre.
La diffusion de l’information contribue indirectement au développement de la recherche, tributaire de la participation de volontaires consentants !
Elle se justifie, enfin, dans le cadre plus général de la lutte contre le discrédit public.
Autre temps, autres mœurs ! Pourquoi expliquer à l’entourage ce qu’est la dépression ? D’une part, il faut lever le doute dans l’esprit de l’entourage pour qui la "déprime" est en général un trouble mal défini non une maladie. D’autre part, la famille doit pouvoir échapper à la crainte irrationnelle de la "folie" (Vanelle 1991).
En outre, la famille est "un élément essentiel du paysage thérapeutique" : l’inclusion de la famille dans le traitement améliore l’adhésion du patient aux soins (Mc Lean 1973 ; Beach & O’Leary 1986 ; Anderson 1986 ; Jacobson 1987).
Enfin, le niveau d’expression émotionnelle de l’entourage influence, l’évolution d’un épisode thymique (Rounsaville 1979 ; Swindle 1989). Or, l’information permet de "décoder" les symptômes, les troubles du comportement qui modifient les relations au sein d’une famille et les dysfonctionnements induits par la dépression ; alors que le manque d’information peut être à l’origine d’attitudes inadéquates de l’entourage répondant par de vaines injonctions ou des incitations au courage et à la volonté, plutôt que par une démarche de soins.
Des réactions de rejet ou complicité sont facteur de pérennisation. De même, le vécu dépressif peut être considéré comme normal ou inéluctable. La famille doit être sensibilisée, par exemple, aux signes d’alerte spécifiques à chaque patient dont le repérage précoce permet de prendre des mesures adéquates.
Plusieurs personnes et structures sont impliquées dans la diffusion de l’information au patient.
Le médecin
Le médecin doit fournir une information sur les troubles et son traitement, mais cette information est le plus souvent limitée par le temps. En outre, une étude anglaise a montré que plus d’un patient sur deux ne pose pas de questions à son médecin, par crainte de baisser dans son estime, voire de déclencher son animosité (The Medical Post 1982) !
Les documents
Les notices des médicaments sont souvent insuffisantes parfois même, la liste des effets secondaires en devient alarmante. Quant aux guides des médicaments, certains sont des résumés du Vidal, en fait peu adaptés aux patients. Enfin, des ouvrages "grand public" aident à authentifier les troubles.
Les autres circuits d’information : les associations.
Les associations de patients contribuent également à l’information des patients et des familles. Elles ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité dans d’autres maladies chroniques telles que le diabète ou la polyarthrite rhumatoïde ...
Toutefois, ce circuit d’information ne doit pas se substituer au médecin qui reste l’interlocuteur principal. Il ne peut être que complémentaire.
La diffusion de l’information doit donc obéir à des règles :
- elle doit être accessible et comprise par tous,
- elle doit être réactualisée,
- elle ne doit pas alarmer le patient,
- elle ne doit pas favoriser l’autodiagnostic et l’automédication.
soutenir et informer les personnes sur la dépression ou la maladie maniaco-dépressive, notamment sur son évolution, ses traitements, la manière d’y faire face, les recherches en cours... ,
susciter la compréhension du grand public vis-à-vis de la dépression et combattre les a priori concernant la maladie mentale,
promouvoir le développement des programmes de recherche concernant les causes, le traitement, la prophylaxie de la dépression et de la maladie maniaco-dépressive.
Pour cela, cette association a choisi quelques moyens :
1) une permanence téléphonique.
2) un bulletin adressé aux adhérents et à des psychiatres, ce bulletin permet aux patients de s’exprimer librement sur tout ce qui touche, de près ou de loin la maladie dépressive ou maniaco-dépressive ; il apporte, également, une information sur les nouveautés médicales ou sur les droits sociaux du déprimé qui plongé dans la souffrance ou la culpabilité oublie ses droits ou néglige de les faire valoir.
3) des réunions régulières : occasion de partage d’expériences d’échanges, notamment, sur les thérapeutiques ; d’où une information vécue, percutante et convaincante pour une meilleure observance ;
4) des conférences-débats publiques animés par les membres du comité scientifique, sur : les troubles dépressifs, les antidépresseurs, les thymorégulateurs, le couple, l’hérédité ...
5) une bibliothèque à la disposition des membres ;
6) enfin, la diffusion de brochures concernant la maladie et ses traitements.
Les membres de l’association sont des personnes confrontées à la maladie, qu’elles soient patientes, parents, amis, ou professionnels de la santé (médecins, psychologues, assistantes sociales, infirmiers ...) auxquels sont associés les membres d’un Comité Scientifique national et international.
Le soutien que peuvent apporter des associations de patients justifie pleinement le développement de celles-ci. Dans le domaine de la maladie mentale, certaines associations, telles l’UNAFAM, apportent, ainsi, un soutien essentiel à l’entourage.
Le rôle de l’association France-Dépression porte, également, sur un soutien social des patients au-delà des soins, ce d’autant qu’un sujet isolé est plus vulnérable à un épisode dépressif (Brown 1995) et que le manque de support social est prédictif de rechute (Goering 1983). Ainsi, l’isolement social est une des caractéristiques du sujet "inobservant".
L’objectif est donc de tenter de limiter quelque peu l’isolement et le rejet qu’entraînent les troubles et de soutenir les patients "cicatrisés" dans cet "après" où ils portent parfois en eux, des symptômes résiduels de fragilité psychologique ou certaines séquelles dépressives. Le parcours réussi d’autres patients "qui s’en sont sortis" représente un effet thérapeutique non négligeable pour des patients encore fragiles.
Ainsi, le rôle de cette association comporte deux objectifs majeurs : informer et soutenir, mais, d’autres objectifs restent à atteindre :
la constitution de groupes de travail, notamment, sur le thème du secret médical et des compagnies d’assurance ; l’objectif dépasse alors le cadre de l’information pour atteindre celui de la défense des membres et des personnes touchées par la maladie, très souvent confrontées à des litiges avec les banques ou les dites compagnies dont certaines excluent de leurs contrats le risque dépressif ou la maladie maniaco-dépressive ;
ou l’encouragement à la création de programmes de recherches sur les troubles dépressifs maniaco-dépressifs et leurs traitements ....
Il reste, certes, encore beaucoup à faire afin d’être en mesure d’apporter toute l’aide attendue tant sur le plan social, professionnel que juridique .... En outre, il reste à développer cette information et ce soutien au plus près des patients, grâce à des antennes régionales. A ce titre, il est important de noter que plus de la moitié des courriers et des appels téléphoniques nous parviennent de Province. Enfin, nous avons été contactés par des confrères souhaitant développer une antenne de l’association dans leur région.
GLOBAL ALLIANCE OF MENTAL ILLNESS ADVOCACY NETWORKS
GAMIAN - EUROPE est une Fédération d’associations oeuvrant dans le domaine de la santé mentale à travers l’Europe. A but non lucratif, elle a été créée en mars 1997, avec le soutien de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Elle réunit, à ce jour, 58 associations de patients, issues de plus de 26 pays, auxquelles s’associe un comité scientifique international. L’Association France-Dépression, co-fondatrice, y est présente et participe au comité directeur.
Un des premiers objectifs de cette Fédération a porté sur la réalisation d’une enquête internationale auprès des patients et de leur entourage, portant, en particulier, sur le délai écoulé avant la reconnaissance des troubles présentés, la qualité des soins reçus, la prise en charge sociale des soins et le remboursement des traitements, l’intérêt des associations de patients ....
Cette enquête a été réalisée, en 1997, avec l’aide du Professeur R. KESSLER de l’Université de Harvard : 16 associations issues de 11 pays y ont participé (soit plus de 5 000 questionnaires). Les résultats de cette étude seront présentés lors des deux prochains congrès internationaux de psychiatrie [l’Association Américaine de Psychiatrie (APA), en juin 98, à Toronto, et au Collège International de (CINP), en juillet 98, à Glasgow].
Les futurs axes de travail portent sur le suicide. Des documents de sensibilisation du grand public, des médecins généralistes ainsi que des personnes concernées par la prise en charge des adolescents et des jeunes adultes (enseignants, médecins et infirmiers scolaires, ...) sont en cours d’élaboration. L’objectif est de souligner les facteurs de risque impliqués, les intrications entre suicide et dépression, ainsi qu’entre dépression de l’adolescent et divers troubles du comportement (alimentaires, toxicomanies ...). Une conférence de presse sur ce thème a été tenue par les représentants de GAMIAN, au congrès du CINP, en juillet dernier, dans le but d’organiser "une journée internationale contre le suicide".
Depression & Bipolar Support Alliance – "DBSA"
(anciennement le DMDA (Depressive and Manic-Depressive Association)
DBSA (Depression & Bipolar Support Alliance) est une association américaine de patients déprimés ou maniaco-dépressifs. Elle se compose de plus de 35 000 adhérents répartis au sein de nombreuses "filiales" locales ou d’outre-mer (Australie, Grande-Bretagne, Pays-Bas ...).
L’association (à but non lucratif) s’est donnée comme objectifs majeurs : l’amélioration de l’accès et de la qualité des soins, ainsi que la lutte contre la discrimination socioprofessionnelle voire même, familiale des déprimés. Elle travaille donc tant avec des institutions de soins et de recherche (enquête collaborative APA - National DMDA, Whybrow, APA 1993), que des autorités administratives, des services sociaux ou d’assurances maladies, ou encore d’autres associations de patients. Priorité est donnée à l’information sur la maladie dépressive et maniaco-dépressive, les traitements, les droits sociaux des patients, de leur entourage, mais également du public et des médias. Cette association a, par exemple, organisé une journée porte-ouverte sur la dépression sur plus de 300 sites : 5000 intéressés ont pu s’informer voire même être, pour avis, rapidement évalués sur le plan thymique.
Les adhérents sont tenus informés des avancées de l’association à l’occasion de conventions nationales, des conférences régionales et du bulletin trimestriel ou "Newsletter". L’association dispose d’une librairie qui distribue ou édite livres, brochures et cassettes-video sur le sujet.